samedi 16 avril 2011

Travailler à l'étranger

Malgré nos allures d’éternels vacanciers, nous étions à la recherche de travail en Australie. Nous cherchions un endroit où nous pourrions nous poser quelques mois afin de mettre nos cerveaux en fonction.  Ce n’est pas que nous manquions d’argent. Ce n’est pas que nous étions fatigués des longs voyages à vélo. Nous avons appris avec le temps que pour apprécier les paysages à leur juste valeur, nous devions mettre une pause à notre vie nomade. Il faut un certain temps pour digérer toutes les images et les rencontres que nous avons fait sur la route. Pour ne pas que cela devienne une routine banale, nous devions expérimenter quelque chose de nouveau. En Chine, nous nous  étions arrêtés un mois pour apprendre le Mandarin dans une université du Yunnan. En Australie, nous croyons que de se trouver un emploi nous permettrait de s’introduire dans le quotidien de la population.

Facile, nos métiers (physiothérapeute et ingénieur logiciel) se retrouvent au sommet des qualifications les plus en demande en Australie. Les ententes entre le Canada et l’Australie semblent même jouer en notre faveur. Nous étions de jeunes professionnels avec un peu d’expérience. Nous n’avions pas encore d’enfants. On nous laissait alors entendre que nous étions en demande ici, au pays des kangourous. Ce fût le début d’une longue et pénible saga.

Si les derniers messages laissent entendre que notre voyage se déroulait comme prévu et que tout se passait dans la facilité, celui-ci remettra les pendules à l’heure. Le présent message sera moins intéressant pour ce qui est des aventures de voyage, mais il est nécessaire pour comprendre ce que nous vivons ici. Pour atteindre nos objectifs en Australie, nous avons mené un combat de tous les jours. Notre quotidien était parsemé de lourdeurs bureaucratiques qui ne laissaient pas entrevoir une conclusion heureuse.

L’obtention du visa de travail fût raisonnablement aisée. Il ne suffisait que d’envoyer une rayon-X de nos poumons à l’ambassade Australienne avec un chèque pour payer les salaires des bureaucrates, ces maestros de l’immigration. Moyennant quelques visites chez le médecin et des frais qui tournent autour de 500$, tout cela était réglé. Rien d’exceptionnel, nous avions désormais le droit de vagabonder et de travailler chez nos amis Australiens. 
 
Pour ma part, il ne suffirait que de me trouver un emploi. On n’est généralement pas très exigeant lorsque vient le temps d’embaucher une personne capable d’appuyer sur quelques boutons devant un ordinateur. Celui qui est assez patient pour y passer 40 heures par semaine jouit ordinairement d’un salaire ridiculement élevé. Pour Geneviève c’était différent. Un cauchemar nous attendait l’autre côté de la planète. 
Il faut savoir que la majorité des travailleurs du domaine de la santé font partie d’un ordre professionnel. Que ce soit en Australie ou au Québec, les ordres professionnels sont responsables de la sécurité du public. Ils s’assurent que les professionnels soient suffisamment qualifiés pour soigner la population. La mission de ces organisations est totalement légitime et défendable. Il fallait donc que Geneviève s’enregistre au sein de l’Ordre des physiothérapeutes d’Australie.

Nous avons donc entrepris les démarches en juin 2009, soit 6 mois avant notre départ. Cela semblait amplement suffisant. Le site web était clair; pour les travailleurs des régions éloignées les conditions d’enregistrement étaient simplifiées. Encore mieux, pour les diplômés de McGill, l’enregistrement des physiothérapeutes se faisait automatiquement! Il ne suffisait que d’envoyer une copie certifiée du diplôme canadien quelques semaines avant de débuter un contrat. Merveilleux! Nous désirions justement s’installer en région rurale. 

En novembre 2010, lorsque vint le temps d’envoyer les documents, quelle fût notre surprise de réaliser que tous les règlements avaient changés depuis juillet 2010! Il n’y avait plus d’exception pour les régions rurales. L’association des physiothérapeutes d’Australie demandait un enregistrement complet avec une quantité astronomique de documents certifiés par en notaire. Certificats, diplômes, relevés de notes, descriptions de tous les cours d’université, résumés de stages, lettre de références, curriculum vitae, attestation de police et OFFRE D’EMPLOI. Panique. Il fallait d’abord que Geneviève se trouve un travail avant de pouvoir appliquer. Dans un temps record, Geneviève a trouvé une offre d’emploi dans une petite municipalité de l’ouest Australien. Nous avons aussi rassemblé 1000 pages de documents que nous avons fait certifier au Québec. Juste avant de s’envoler pour Fidji, nous avons envoyé le 5kg de documents en Australie. Nous avions payé les 600$ demandés, il suffisait d’attendre une réponse.

Nous voici donc en Avril 2011, toujours en attente d’une réponse après trois rejets du dossier de Geneviève. A chaque refus que nous avons reçu de ces cravateux, nous étions époustouflés de constaté le ridicule des raisons fournies : Manque une entête couleur, manque une phrase au bas de la page, le style n’est pas adéquat, etc. « Mais, pour 500$ vous pouvez réappliquer… vous y êtes presque, il ne manque que quelques ajustements». La carotte au bout du bâton. Les documents rassemblés ont maintenant fait le magnifique voyage Sydney-Montréal 2 fois aller-retour. Regardez les chiffres de la poste Australienne et Canadienne et ne soyez pas surpris de voir des augmentations de profits en 2011. Nous en sommes en partie responsables. Et les fonctionnaires de l’Ordre des physiothérapeutes d’Australie auront probablement un beau party de Noël cette année. J’aimerais bien y être invité pour rencontrer ces gens qui n’osent jamais signer leur message, ces gens qu’on ne peut contacter par téléphone. Lorsqu’on envoi des messages à cette honorable organisation, on reçoit un copier-coller d’un règlement après 7 jours ouvrables, signé « L’Association ». C’est à se demander s’il y a des gens intelligents derrière ce monstre sans nom. Au nom du règlement 7.24b, des physiothérapeutes qualifiés ne peuvent travailler en Australie. Les listes d’attente sont remplies dans les régions éloignées. Les employeurs se bousculent pour engager Geneviève, mais les responsables de la protection du public s’obstine à bloquer l’accès à ces emplois parce qu’il manque de la couleur sur une entête de page. Nous sommes fatigués, découragés. 
 
Toute cette connerie de paperasse sale nous tira beaucoup d’énergie. En camping dans la nature, l’accès à internet, un photocopieur, un notaire et un téléphone n’est pas chose facile. A chaque visite dans un village, nous passons une quantité incroyable d’heures à la bibliothèque pour faire avancer les dossiers. Et le désert qui se présentait devant nous… Nous avions préparé la traversée de ce long étendu depuis longtemps. Ce n’était pas du domaine de l’impossible, nous le savions. Par contre, nous étions alors dépendants du téléphone et d’internet pour faire progresser le dossier de Geneviève. S’évader au milieu du désert nous assurément un échec sur un des objectifs importants du voyage : travailler en Australie. 



Pour cette raison, nous avons dû rebrousser chemin. Nous avons fait demi-tour alors que les arbres se faisaient de plus en plus rares et que le vent commençait à souffler librement sur le sable chaud. Il fallait un moral solide pour ne pas classer cette affaire comme un revers. La majorité du temps, le défi n’est pas de pédaler sur des milliers de kilomètres. Les vrais obstacles se retrouvent dans tout ce qui n’est pas physique.

4 commentaires:

  1. Ark ! c'est dont ben poche que ça ne fonctionne toujours pas pour le travail de physio à Geneviève !!! Ça doit être assez dur sur le moral en effet. J'espère qu'une belle issue va se dessiner de tout ça ! Bon courage et en souhaitant que la traversée du désert puisse reprendre avec un emploi en poche !

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  2. Lâchez pas!!! On est avec vous!

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  3. Quelle déception vous devez avoir...je vous comprend et vous trouve vraiment courageux tous les deux de vous battre de cette façon malgré toutes les embûches qui se présentent.
    Est-ce qu'une pause afin de recharger vos batteries physiques et morales vous ferait du bien? Parfois il vaut mieux s'arrêter quelques temps pour mieux repartir et voir la situation d'un autre angle et peut-être trouver de nouvelles solutions.
    Je vous souhaite la meilleure des chances.
    Je sais que vous êtes des combattifs, lâchez pas !
    Johanne

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  4. Salut Pierre!

    Je vous lis assidûment et très régulièrement!

    Triste en effet pour tous ces obstacles. Voici le côté sale de toute bureaucratie... Si ça continue, la traversée du désert ne sera pas votre plus gros défi... :S

    Faites attention à vous! Ne lâchez pas!

    Christian (de l'UC)

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