dimanche 30 janvier 2011

Liberté retrouvée


Notre principale phobie : visiter Fidji comme si c’était un tout inclus séparé de la réalité culturelle locale. Dans un endroit où la facilité prévaut sur tout, il fallait prévoir une échappatoire. Il était trop simple se laisse envouter dans le confort accessible des grands hôtels cinq étoiles sans chaleur et sans magie. Nous avons alors cherché le chemin pour se rapproché des gens. Nous avons inventé la route qui stimulerait le fantastique de ce paradis terrestre.

Les Fidjiens sont ultra religieux. Il est généralement entendu que le Christianisme est venu délivrer la population du cannibalisme qui régnait autrefois. C’était notre premier dimanche sur l’Ile; un moment privilégié pour être témoin de la spiritualité Fidjienne. Direction l’église Méthodiste. Pour mieux comprendre les implications de cette visite, je me dois de vous introduire ce que sont les –

Coutumes et traditions de Fidji

Chaque village nomme un chef qui assure le bon fonctionnement de l’endroit. Le visiteur, doit toujours demander à rencontrer le chef du village en premier lieu. On lui offre à boire. On raconte nos vies et on obtient possiblement la permission de se balader dans le secteur et de prendre des photos. Nous avions déjà pris connaissance de cette façon de faire, mais nous avions cru que c’était une tradition montée de toute pièce pour faire mousser l’identité culturelle Fidjienne. Nous avions tort. Malgré le nombre de visiteurs qui fréquentent le pays à chaque année, il semble que la population est demeurée très près de ses coutumes ancestrales. Il nous sembla même que Fidji échappait à la mondialisation de la culture américaine. Le Fidjien moyen n’a rien à faire d’une télévision. Il n’a pas plus d’intérêt pour l’argent que pour le dernier téléphone turbo-énergique-intergalactique. C’est avec un sourire en coin qu’ils écoutent parler les étrangers de leur confort matériels. Contrairement aux autres pays que nous avons visités dans les dernières années, nous comprenions que les Fidjien n’échangeraient pas leur vie pour la nôtre. Certains ont déjà visité l’Australie. 

-Avez-vous aimé?
- La vie est trop rapide, trop folle, de nous répondre la dame en affichant son plus beau sourire.

Dans le respect de la tradition, chacun voit au bonheur spirituel de sa famille. Chacun porte une attention particulière aux vétérans qui ont survécus à tous ces tempêtes tropicales et toutes ces maladies.

Nous avons donc pénétré dans ce petit village aux abords de Nadi afin d’y rencontrer le chef du village. Nous avons alors obtenu son accord pour que nous visitions la commune, mais à une condition; que nous portions le sulu, une jupe traditionnelle portée autant par les femmes que par les hommes. Le port du sulu atteste d’un respect des coutumes du pays. Nous nous sommes alors dirigés vers l’église. Ce qu’on nomme l’église Méthodiste à Fidji est en fait une traduction de ce qu’on nomme l’église Anglicane au Québec. La cérémonie est ponctuée de chants gospels forts en rythmes et en tonalités. Chaque participant à la messe se transforme en Luciano Pavarotti et en Whoopi Goldberg pour interpréter les airs religieux dans une justesse inouïe. Le pasteur enchaîna ensuite un sermon de 75 minutes en Fidjien. Dans un crescendo de mouvements et d’exclamation, il dicta la vérité aux croyants. Lorsque, les bras au ciel, le prêtre cracha ses paroles avec puissance, chacun baissa la tête et regarda le sol en guise de pardon. Efficace. À la fin, j’eus envie de me lever d’applaudir le discours expédié avec le charisme de Bill Clinton, mais je me suis retenu. Nous avons alors fini la journée avec une partie de volleyball avec les Fidjiens athlétiques comme des olympiens. 


Chaque soirée se terminait alors par une cérémonie du kava. Il s’agit d’une racine qu’on sèche, écrase et étuve à la manière d’un café. On s’assoit alors en cercle autour du maître de la cérémonie et on distribue le liquide sacré dans un protocole compliqué, mais essentiel. On peut s’imaginer un jeu de boisson où il s’agit de faire une série de gestes avant d’envoyer le contenu de sa tasse derrière la cravate. Même chose ici avec le kava. Le liquide n’a cependant rien à voir avec l’alcool. Il s’agit plutôt d’un narcotique doux qui assomme tranquillement son consommateur. Les premiers bols ont un effet anesthésiant pour la langue. Le dixième atteint le cerveau. Le vingtième commence à affecter tous les sens. A un moment, le Fidjien ne répond plus. Dans un sommeil profond, il s’enfonce pour de nombreuses heures. Anti-stress reconnu par tous, il porte aussi sa part de méfait pour le corps. Problèmes érectiles, lâcheté, problèmes de foie font partie du quotidien du buveur de kava. Pour ma part, la consommation de kava semble avoir un effet terrible sur ma mémoire. De tendance lunatique naturelle, je me mis à perdre systématiquement tout le contenu de mes bagages. Geneviève était bien découragée de devoir toujours passer derrière mois pour y retrouver mon porte-monnaie perdu ou mon ordinateur oublié. Ce fût la fin de l’abus de kava pour moi.

Question de se réchauffer un peu, nous sommes allés tester nos vélos vers Momi Bay, une plage reconnue pour ses vagues de qualité pour la pratique du surf. Malgré le ciel nuageux, notre tient blanc canadien nous trahit solidement. Nous avons été frappés par de resplendissants coups de soleil à saveur de cancer de la peau. Bravo! Le temps de parcourir quelques 70 km, nous avons recueilli une quantité impressionnante de fruits et de légumes au bord de la route. Nous avons monté et descendu beaucoup de collines qui donnaient des vues imprenables sur la mer. L’océan à perte de vue et la jungle fleurissante par les dernières pluies, que demander de mieux?

C’était l’heure du grand départ. Nous avons attaché ce qui sera notre maison pour les prochains mois sur nos vélos et nous sommes partis. Le début de la liberté. Le soleil était présent pour saluer ce glorieux départ. Des extra-terrestres. C’est la façon dont on nous a décrit en nous voyant partir sur nos vélos. Aux îles Fidji, peu de gens auraient pu imaginer que ces jouets à deux roues pouvaient servir de moyen de transport!

lundi 24 janvier 2011

Fiji Time

Assis les fesses bien enfoncées dans un siège de Pacific Airways, on se laisse aller. On fly. La vie compliquée du Québec venait de se transformer. Les minutes comptées, gagnées et perdues n’existaient plus. Le temps s’étirait et nous donnait l’impression que nous pouvions respirer à nouveau. L’agenda des prochaines heures était bien simple : dormir, regarder des films, manger ce qu’on dépose devant nous et laisser défiler les minutes, autrefois précieuses, jusqu’à ce que le pilote annonce la descente pour les Îles Fidji. 

Après trois escales, nous étions des spécialistes des aéroports de Montréal, Chicago et LA. Prières de nous contacter pour connaître les restaurants les moins chers et la situation des racoins où il est possible de s’allonger. Nous  avons beaucoup observé les gens autour de nous. Pour prendre l’avion, il semble y avoir un déguisement et un comportement consenti de tous. Il faut simuler qu’on est riche, très riche, et porter une cravate.  Ensuite, il faut agir comme si le monde entier souffrira de cette absence de quelques heures du plancher des vaches. A cette fin, il suffit de ne jamais quitter son blackberry des yeux. Une minute d’inactivité électronique pourrait révéler une faiblesse. Geneviève et moi avons un jeu pour passer le temps; imaginer l’histoire des gens qui nous entoure. Nous avons beaucoup rit.

Escale à Los Angeles, en Californie. Déjà l’atmosphère de plage régnait. Nous avons retiré nos manteaux d’hiver et sommes sortis marcher, prendre l’air. Le soleil se couchait, le vent était chaud et les gens sympathiques… ultra relax. La mégapole compte plusieurs millions d’habitants. Je suis resté surpris de voir les inconnus se saluer dans la rue. «Hey! How ya dooinnn! ». Nous allons bien… très bien! « we’re feelin alright man! ».


Nous volions au-dessus du pacifique, affectés par le décalage horaire et par un retard important sur les heures de sommeil recommandées. Le vol de 9 heures nous parut donc très court, car nous avons dormi pendant presque tout le trajet. À mon réveil, quelle fût ma surprise de voir la flaque de sang sur mon banc. L’appui-bras avait agît comme une râpe sur mon pauvre coude qui était alors ensanglanté. Nous avions atteint un point de fatigue où notre corps ne ressentait même plus la douleur. 

A 5:15 am nous y étions! Fidji! Déjà à la sortie de l’avion la chaleur et l’humidité nous frappa de plein fouet.  Comment était-ce possible qu’il fasse aussi chaud à 5hr du matin? Nous étions traumatisés à l’idée de faire du vélo en plein après-midi. Le premier choc culturel nous secoua au poste de douane. Devant la file d’attente, un groupe de musique traditionnelle Fidjien se donnait en spectacle, diffusant des rythmes chauds, enflammés. Des guitares rapides et rythmées. Bienvenue aux îles Fidji, il était alors 5:30 du matin! Un peu comme un réveille-matin en version joyeuse. Nous avons ensuite traversé la douane où tous les hommes fonctionnaires portaient la jupe longue (nommé sulu) et décoraient leur cheveux de fleurs blanches. Nous avions saisi le concept; le cliché parfait des îles et de l’ambiance décontractée. L’idée fût accueillie avec réjouissance.


Nous avons ensuite récupéré nos vélos en pièces détachés et constaté à quel point le voyage fût aussi pénible pour eux que pour nous. Les cadres grafignés, des rayons tordus, des plateaux de vitesse brisés; rien qui ne puisse nous arrêter dans ce voyage. Les réparations seront effectuées avec les moyens disponibles; Duck tape, broche et autres bricoles! 

Nous avons aussi été surpris de voir celui qui devait nous prendre à l’aéroport et nous conduire au gîte où nous avions une réservation. Au travers de tous ces noirs aux traits prononcés ce trouvait un rastaman blond qui tenait une affiche où le nom de Geneviève était inscrit. Il s’agissait d’Hendry, le propriétaire du Bamboo guest house. Celui dont le visage ressemble à celui de Kurt Cobain ne porte plus de souliers ni de sandales depuis 5 ans. Dans sa bagnole anglaise de fortune, le Néo-Zélandais nous emmena dans son petit coin de paradis. Son attitude en révélait long sur le genre de vie qu’il mène. Chaque question qui lui est adressée est suivie d’une longue pause pendant laquelle il nous regarde avec un sourire qui transforme ses joues en obstacles pour ses yeux. Certain pensent que c’est par abus de drogues. Moi je pense plutôt que c’est par abus de sérénité.

-          - Je n’ai jamais vu de voyageurs avec autant de bagages, nous confia-t-il.


Au rythme des jours qui passèrent lentement, nous avons appris à vivre la vie de Fidji. Fiji time, comme ils le disent ici. Pendant près d’une semaine nous sommes restés chez Hendry et avons socialisé avec les voyageurs et les locaux qui y vivent. Juste assez pour se rendre compte à quel point notre Anglais était rouillé. Juste assez pour se faire quelques nouveaux amis. Nous avons préféré retarder notre départ à vélo, car la météo n’était vraiment pas de notre côté. Pendant 5 jours, nous n’avons jamais aperçu le soleil. La pluie déferlait continuellement. En Chine, la saison des pluies ne nous a jamais empêchés de traverser le pays d’Ouest en Est. Cette fois c’était différent. Nous avions beaucoup de temps pour couvrir peu de territoire et nous savions qu’à partir du moment où nous lancerions notre aventure sur deux roues, nous commencerions du même coup une misérable vie de chiens mouillés. Il valait mieux attendre. Mais les remords nous grugeaient petit à petit. Nous allions retrouver la force, c’était une question de temps. Nous allions rattraper le temps perdu, c’était une question de volonté. 

Chaque jour passé au gîte se faisait dans la facilité. On se laisse aller, on met tout au neutre; le corps et l’esprit. Pour certaines personnes c’est le mode de vie idéal. Pour d’autres, il y a plus. Geneviève et moi étions d’accord, il ne valait pas la peine de traverser la moitié de la planète pour manger, dormir et regarder passer les minutes.  L’inactivité nous tue. L’énergie s’accumulait en nous, sans être dépensée. L’élastique s’étirait. Qu’on nous coupe la corde, nous irions très loin.

Notre besoin d’aventure grandissait. Cela annonçait des nouvelles histoires rocambolesques.

 

vendredi 14 janvier 2011

Retour à la Vie

Montréal, le 5 janvier 2011. Il était 6h30am alors que nous attendions l’appel pour l’embarquement du vol  4349 à direction de Chicago. Une autre page de notre histoire venait de tourner. Excités, oui, mais surtout épuisés. Épuisés de n’avoir dormi que trois heures la nuit précédente. Épuisés par le dernier mois que nous avons vécu au Québec.  Depuis plus de 6 semaines, nous avions accéléré nos vies pour tout organiser avant le départ. Un sprint d’enfer pour accomplir un nombre incroyable de tâches et activités. 

Nous avons tout d’abord organisé ce qu’on pourrait appeler « un déménagement ». Normalement, un déménagement déroule entre le départ d’un domicile et l’arrivée dans une autre résidence. Lorsque cette autre résidence porte sur deux roues et quelle avance à l’énergie humaine, les choses se compliquent. Il s’agissait alors d’entreposer quelques boîtes chez nos parents et de se débarrasser du reste par tous les moyens possibles. A chaque fois le même constat : nous accumulons beaucoup trop de matériel inutile. Pourquoi tous ces placards remplis de vieilleries qui n’ont pas été utilisé depuis que Jean Charest est au pouvoir? Nous avons rectifié la situation (pas celle de Charest, mais celle des vieilleries) et nous possédons maintenant que le strict minimum. C’était d’ailleurs étonnant de constater que ce strict minimum diminuait à chaque année. On s’habitue à vivre avec peu et on y prend plaisir.

Partir sans billet de retour impliquait nécessairement une montagne énorme de paperasses et de visites chez les fonctionnaires. Impôts, changements d’adresse, assurances, visa, passeport, la liste s’étire au point de décourager les plus motivés. On ne compte plus le nombre de formulaires, déclarations, procurations que nous avons remplis. Pour ma part, ce n’était pas encore suffisant. J’étais désormais un adepte des bureaux gouvernementaux et des consulats aux formulaires A38 en trois copies. Il me fallait revoir mes amis les fonctionnaires une dernière fois. Juste une dernière fois. J’ai alors eu l’idée géniale de perdre mon passeport et mon visa pour l’Australie quelques jours avant le départ.  J’étais reparti pour une nouvelle cavalcade chez mes potes!

De son côté, Geneviève, fidèle à elle-même avait pris soin de tenir un agenda aussi rempli que Barack Obama. Elle compléta un cours de perfectionnement en physiothérapie qui lui demanda un nombre considérable d’heures d’étude. Il faut vraiment aimer son travail pour s’investir autant dans sa carrière.  Sa dévotion pour la physiothérapie est d’ailleurs une des raisons pour laquelle nous nous dirigeons vers l’Australie. C’est que les Australiens sont les auteurs de la majorité des techniques d’aujourd’hui. On est toujours en attente de la technique Dupont…

Entre deux séances d’étude, de spinning et de hot yoga, Geneviève organisa même un enterrement de vie de jeune fille à une bonne amie, Marie-Pierre. Les activités de cet événement demeurent du domaine du top-secret, mais il semblerait qu’en un week end, un nombre record de folies ont été perpétrés. Marie et Frank, si nous partons loin avec le regret de ne pas revenir avant longtemps, c’est un peu à cause de vous! On espère tout de même participer virtuellement à votre mariage. 

Nous avons aussi organisé quelque dizaines de soirées et festivités pour saluer nos amis et nos familles qui nous manqueront beaucoup lorsque nous serons sur la route. La vie est ainsi faite, on se laisse pour mieux se retrouver. A chaque fois, les retrouvailles et les au revoir sont de moments magnifiques qui nous donne l’énergie de pousser un peu plus loin nos aventures. Je n’oublierai jamais la soirée extraordinaire que nous avons passée dans un chalet de la vallée du bras du Nord. Wow! Quelle soirée endiablée! Merci à tous pour votre présence et votre chaleur. Une mention toute spéciale à Alex, Cheeze et Éric pour nous avoir fait autant rire! Merci à Larry, ex coloc et nouvel ami, d’avoir été l’étincelle de l’ambiance. Merci à Anne-Marie pour le massage incroyable et la vidéo souvenir qui nous donne les larmes aux yeux.  

Merci aussi à mes parents et à mon frère sans qui, nous ne serions jamais arrivés à temps pour prendre notre envol avec les vélos dans les boîtes. Merci à la famille de Geneviève pour la réception en Gaspésie. Merci à Ge et Jay de nous avoir accueillis alors que nous étions déjà sans abris. Merci à Annie de bien vouloir venir nous visiter lorsqu’elle sera maman. Merci à tous nos amis d’être là et de nous supporter. Vous serez notre source de motivation pendant les moments les plus durs. 

Il était maintenant temps de partir. Fatigués, mais heureux…

Video à ne pas manquer:!  
http://www.youtube.com/watch?v=AQagmqnSfZw