vendredi 1 avril 2011

David et Kaylene


Enfin, nous avions rejoint la première destination intermédiaire : Adelaïde (ou plutôt Port Pirie). Ce long voyage nous a reconduits chez David et Kaylene, deux Australiens que nous avons hébergés l’an dernier au Québec. 

C’était en 2009, quelques mois après notre retour d’Asie. Nous hébergions alors une quantité incroyable de voyageurs dans notre petit appartement de Québec. La majorité d’entre eux étaient des âmes libres, vagabonds à petit budget que nous avons rencontrés via le site web Couch Surfing. Nos amis étaient au courant que nous aimions recevoir ces gens. Certains nous téléphonaient lorsqu’un de leurs amis était de passage dans la vieille capitale. Notre porte était toujours ouverte. Un jour, c’est Isabelle qui nous appela de Magog. Elle avait invité un couple Australiens pour son mariage. Les deux explorateurs étaient alors en route pour Québec. Nous n’étions pas disponibles, mais nous avons laissé les clés dans la boîte aux lettres et mis de la bière au frigo. Cela faisait partie du peu qu’on avait à offrir, mais nous l’offrions toujours avec plaisir. A notre retour, quelle fût notre surprise de rencontrer ces voyageurs qui n’avaient rien de pauvres backpackers sortis du cégep! David et Kaylene étaient dans la cinquantaine. Ce n’est pas qu’on appréciait moins la présence des gens qui ont l’âge de nos parents, mais le confort très limité de notre appartement n’était peut-être pas très approprié. Nous les avons accueillis sans trop se casser la tête, comme d’habitude. Après une semaine à faire du camping dans notre chambre à débarrât  (dire ``chambre d’invitées`` seraient de l’abus de langage) ils nous ont promis de nous recevoir à leur tour à Adelaïde en Australie. 
 
Voilà, nous avons donc planifié la traversée de ce grand pays en divisant notre périple en deux étapes. La première commençait à Sydney et se terminait à Adelaïde, sur une distance de 1500 km; Un réchauffement avant de traverser le désert de 2000 km  qui sépare Adelaïde de Perth. Quelques jours avant d’arriver à Adelaïde, nous avons contacté David et Kaylene afin de confirmer notre date d’arrivée et leur adresse. Surprise! Ils n’habitaient pas à Adelaïde, mais bien à Port Pirie, un village à 300 km plus au Nord. Changement de cap éminent, nous étions sur la mauvaise route! C’est souvent ainsi pour nous. Être lunatique et nonchalant, oblige quelques ajustements de dernières minutes. En fait, les plans changent à chaque jour. Au début, on s’amusait à dire qu’on change de plans comme on change de sous-vêtements. Nous avons finalement réalisé que les plans changent beaucoup plus souvent que les sous-vêtements!  
 
En route, cela faisait toujours rigoler les gens lorsque nous leur affirmions que nous nous dirigions vers Port Pirie. Imaginez un Australien qui voyagerait en vélo au Canada, plus précisément de Vancouver à Warwick. Warwick?! Ça sonnait toujours bizarre dans leurs oreilles de nous entendre dire que notre destination était Port Pirie. 

Nous étions donc là, à Port Pirie. De l’autre côté de la track. En attendant que le train passe, nous étions au téléphone avec nos amis qui étaient en route dans notre direction pour nous escorter jusqu’à leur maison. Ils étaient de l’autre côté de la track. Un scénario de film d’amour facile. Le maudit train qui empêche les deux amoureux de se rencontrer. Après 2000 km de vélo, nous avions besoin de cette pause-confort autant que l’héroïne du roman-savon avait besoin du gros french de son cowboy préféré. Mais le train était toujours là, interminable.
 
Les voilà! Une main qui sortait de la voiture de l’autre côté et nous avancions à leur rencontre. Lorsqu’on investit autant d’énergie pour retrouver quelqu’un, on s’attend souvent à une rencontre peu ordinaire. Je m’avançai près de leur fenêtre et adressai les premiers mots avec beaucoup d’énergie. Étrange, je ne me souvenais plus que David ait ce look. Kaylene semblait avoir pris 10kg. Le cerveau travaillait pour retrouver des points de repères et reconnaître nos deux amis…  jusqu’à ce que j’entende Geneviève qui me faisait de grands signes derrière. David et Kaylene n’étaient pas ceux avec qui j’avais commencé la conversation! Ils étaient plus loin dans la rue et nous attendait avec des boissons froides! Ces inconnus dans leur voiture ont dû se poser bien des questions! Pourquoi ce barbu sur deux roues avait l’air si content de leur dire bonjour!? 
 
Nous avons alors commencé une vie de confort et d’excès avec nos deux amis. Nous avons eu un choc de réaliser à quel point ils sont financièrement aisés. On ne peut pas compter sur une seule main le nombre de résidences leur appartenant en Australie. Bateaux, voitures de collection, garage, chalets au bord de la mer, etc, il ne manquait que le jet privé. Nous repensions à ce que nous leur avions offert lors de leur passage à Québec. C’était gênant. Nous n’avions jamais réalisé que nos invités auraient pu facilement s’offrir une chambre au château Frontenac. Il était venu pour nous rencontrer et ils nous ont confié que leur visite au Québec les a fait beaucoup réfléchir sur l’importance du matériel, sur ce qu’il faut pour être heureux dans la vie. Je ne sais pas si on y est pour quelque chose, mais ils ont déjà vendu quelques voitures et toutes leurs maisons sont à vendre. David et Kaylene planifient maintenant de partir sur la route, pour longtemps.
 
David est un Australien typique et fier de l’être. Il s’empressa donc de faire chauffer son BBQ pour nous griller quelques pièces de kangourous. Kaylene est une Australienne et fière de l’être. En sirotant sa coupe de blanc, elle nous prépara une salade de choux agrémentée d’ananas. Nous étions alors attablés devant un souper traditionnel Australien qui s’arrosait obligatoirement de bonnes bouteilles de rouge. 
 
Le matin suivant, nous avons sauté dans la bagnole de David et nous avons filé vers les Flinders, une chaîne de montagnes rouges qui rappellent le Grand Cayon. Nous avons profité de la journée ensoleillée pour visiter les amis qui habitent dans la région. Une dame possédait un vignoble, un ami  tenait un café-grano logé dans les hauteurs, un autre faisait la culture des olives. Cette première journée de repos fût accueillie avec joie. Nos papilles ne se souvenaient plus qu’il existe autre chose que les pâtes et la sauce aux tomates!
 
Nous sommes ensuite partis avec David dans la grande Capitale de l’Australie du Sud, Adelaïde. Malheureusement, Kaylene devait demeurer à Port Pirie puisqu’elle travaillait de nuit. Pour fêter notre arrivée, David avait organisé un BBQ géant et avait pris soin d’invité ses filles et leur copain. Nous commencions à comprendre le concept; le BBQ prend une place importante au sein de la communauté Australienne. Chaque occasion spéciale est une bonne opportunité de faire griller de la viande. J’entends déjà les végétariens crier au scandale! 
 
Nous avons jugé bon de commencer l’exploration d’Adelaïde par la visite d’une chocolaterie vieille de 200 ans. Malheureusement, il était interdit de prendre une photo de la grosse Vietnamienne qui travaillait devant une table supportant 100 lbs de chocolat fondu. Si quelqu’un connaît un truc pour rester enfermé dans un magasin après les heures d’ouverture, prière de communiquer avec nous!

Adelaïde est une belle grande ville. On y circule aisément en utilisant un réseau de transport urbain moderne. Un peu comme la ville de Québec, on y retrouve les avantages de la ville, sans trop subir les inconvénients d’une métropole. Contrairement à Québec, ici on fait de la place pour les vélos et les piétons. Le trafic s’en porte mieux. La plage est accessible en moins de 20 minutes de tramway. Qui dit mieux?
 
Nous ensuite retrouvé Kaylene et conduit vers leur chalet situé à Coffin Bay. Un peu comme la Gaspésie au Québec, Coffin Bay est un endroit très prisé des Australiens pour y passer des vacances. Pour s’y rendre, David me lança les clés de sa voiture et me donna ma première leçon de conduite à gauche. J’avais déjà conduit une moto en Inde, mais conduire une voiture dans la voie de gauche est une expérience un peu traumatisante. Les automatismes de la conduite sont durs à briser. Oui, l’accélérateur est à droite, mais les clignotants sont à gauches. Autre fait amusant : les freins sur les vélos australiens sont inversés. Le frein avant se trouve sur la poignée droite! Si quelqu’un comprends pourquoi, nous cherchons toujours!

Pas très loin de Coffin Bay, il est possible de plonger avec les grands requins blancs, l’espèce la plus dangereuse sur la planète. Nous avons déjà plongé en liberté avec les bull sharks, mais ce n’était pas assez. Il fallait essayer les grands blancs! Il faut savoir que les grands requins blancs atteignent plus de 7 mètres à maturité! Rencontrer ce monstre dans l’eau doit être une expérience unique!  Malheureusement les 500$ que coûtaient les 30 minutes de plongée dans une cage nous a refroidit les ardeurs. Nous nous contenterons de réviser nos bons vieux classiques; Les dents de la mer.

Animal plus paisible que le grand requin blanc, le koala est une espèce que les plus privilégiés peuvent observer en Australie. Lors d’une sortie dans un parc national, nous avons eu la chance de voir et même de toucher les oursons endormis dans les feuilles d’eucalyptus. Une chance que même David et Kaylene n’avait jamais eu! Fait cocasse : au moment de la reproduction, le koala émet un son qui ressemble à celui d’un homme saoul qui ronfle. Est-ce que l’homme moderne descendrait du singe ET du koala? Cela est à vérifier…

Par un matin clair et ensoleillé, David mis son bateau à l’eau et nous sommes partis pêcher le whiting king george, un poisson qui ressemble à la morue, mais qui foisonne sur les côtes du sud du pays. Une petite journée tranquille à taquiner le poisson, à observer les dauphins et les phoques qui s’amusaient autour du bateau. Au passage nous avons jeté l’ancre près d’une dune de sable qui se jetait dans l’océan. Le décor était magique. Possiblement le plus bel endroit que nous ayons visité dans ce voyage. 
 
Nous avons vécu 10 jours avec David et Kaylene. Nous ne pouvions croire au nombre de choses que nous avions vécue pendant cette période. Il nous a semblé que nous étions partie à l’aventure plusieurs semaines! Chaque journée était composée de quelque chose d’extraordinaire. Nous ne serons jamais assez reconnaissant envers nos deux amis pour nous avoir fait découvrir leur pays avec un peu plus de moyen que deux vélos. Nous leur disons un gros bravo pour avoir conservé autant de simplicité malgré l’abondance qui les entoure. Peu de gens auraient pris 10 jours de congé dans le simple but de nous faire plaisir. Il reste encore des bonnes personnes sur cette planète!  
  
Comme d’habitude, ces bons moments passent si vite et le vélo nous appelle. Nous avons enfourché nos bécanes, avons salué nos amis et nous avons disparu en direction du désert. Les routes devenaient de plus en plus inhabitées. On nous promettait des difficultés et des aventures. Nous étions motivés plus que jamais!

2 commentaires:

  1. Toujours aussi agréable de lire vos aventures....
    Bonne fête Pierre !
    POP

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  2. Wow...j'en veux plus! Merci de nous faire profiter de votre aventure. Bonne route!

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