mardi 29 décembre 2009

Annapurna

Lorsque les roues de l’avion touchèrent le sol gelé du Népal, je repassais, dans ma tête, les images l’aéroport de Katmandu que j’ai visité il y a 4 ans à l’occasion d’un voyage au sous-continent asiatique. Les parfums pénétrants qui se dissipaient rappelaient la proximité de l’Inde. Seulement l’air froid qui gonflait nos poumons nous rappelait que nous étions au milieu des montagnes. Quelle sensation étrange de sentir l’air froid dans ses poumons  pour une première fois depuis près de deux ans! Des femmes en saris aux couleurs écarlates erraient dans les longs couloirs bruns en se trainant les pieds sur les tuiles jaunis et crasseuses du plancher de l’aéroport. Le terminal n’avait pas besoin d’être agrémenté de mille parures. Aussitôt à l’extérieur, le visiteur découvrait la beauté extrême de l’endroit. L’accueil froid à saveur commerciale des douaniers s’est vite fait oublier devant la splendeur des Himalaya!


Après une longue escapade sur la côte Est de la Chine, nous étions de retour dans un pays pauvre où le quoditien consiste à prolongé la survie des gens. Pour nous, s'intégrer à cet environnement ne relevait plus de l’obstacle, mais d’un plaisir certain. C’est connu, la pauvreté favorise le partage rigoureux. Nous voyageons pour partager. Nous trouvions donc notre place au Népal. Il y avait tant de choses à apprendre ici.

Mon dernier passage au Népal m’avait émerveillé. J’avais laissé derrière un précieux ami Népalais et des souvenirs d’un périple extraordinaire dans la région de l’Everest. En tirant Geneviève par la manche, je l’entraînai au milieu du Thamel, quartier animé qui est un camp de base pour tous les montagnards du monde. Tous les personnages légendaires qui ont gravi l’Everest y ont passé! On y retrouvait, comme il y a 4 ans, des boutiques désasorties, guest houses miteux, bars bruyants et vendeurs de marijuana omniprésents. Comme si Katmandu était fixé dans le temps, il n’était pas rare de tomber, au tournant d’une ruelle, un vieux hippy issu des années 70. Seulement, aujourd’hui, un couvre-feu contrôlait la ville afin d’éteindre toute tentative de regroupement qui serait un peu trop manifeste. Alors que nous fréquentions un de ces bars et que nous discution tranquillement de notre expédition à venir dans les Annapurna, la musique s'interrompue et les lumières se tamisèrent pour laisser la place aux chandelles. On tira les rideaux opaques sur toutes les fenêtres et on cadenassa la porte d’entrée. A partir de minuit, il n’était plus question de se trouver à l’extérieur. Le Népal avait bien évolué nous disait-t-on! Ah?

Peu de temps après notre arrivée, nous avons attaqué le long circuit tracé sur la circonférence de l’Annapurna. Nous avons d’abord emprunté un sentier raviné en bordure d’une rivière afin de progresser dans une vallée qui nous mènerait à 5500 mètre d’altitude. Une marche de 150 km parmi les paysages les plus grandioses de la planète; deux semaines de trek dans une nature intouchée sur un fond de carte postal. Il s’agit d’un véritable pèlerinage au cœur d’un univers abandonné par la civilisation. Geneviève trippait à fond… moi pareil! Autrefois, le circuit était considéré comme la randonnée #1 au monde. Aujourd’hui le sentier a perdu un peu de son charme, car on y conduit des 4X4 sur une partie importante de sa longueur.

Tandis que nos muscles s’adaptaient tranquillement à la marche en montagne, notre sang se s'enrichissait en globules rouges – altitude oblige. C’est avec la barbe hirsute et gelée que je finissais dorénavant mes journées de marche. Nos corps étaient un peu endoloris, mais la fatigue se faisait oublier par la sensation de liberté qui dominait! Même si le corps humain n’est pas conçu pour être confortable dans ces conditions hostiles, celui-ci à une capacité d’adaptation incroyable. Il suffit de sortir de sa zone de confort pour que des miracles de produisent! En raison de l’altitude, le visage de Geneviève était boursouflé et je ressemblais à un ivrogne à la sortie d’un bar; deux pas devant, un pas derrière! Après une longue nuit étoilée à marcher serainement sur un plateau de 5500 mètres, nous entamions une descente vers une vallée verdoyante qui promettait de nouveaux paysages exaltants. La beauté des lieux était si pénétrante qu'elle était capable de me donner un frisson de 90 minutes non-stop. Adossé à un rocher, fier au milieu des sommets de plus de 8000 mètres, je ne pouvais m’expliquer comment, avec si peu de moyens, on peu parvenir à un tel paradis.

Pendant deux semaines, nous n’avons donc pas manqué un levé et un couché de soleil! A coup de longues journées à porter nos sacs à dos, nous étions transformés en de véritables maigrichons obsédés pour la bouffe. La quantité de nourriture que nous mangions le soir faisait toujours sourire les Népalais qui nous la servaient. Ils avaient rarement vu cela dans leur village! Le dhal bat, plat typique népalais, était servi à volonté sur des piles de riz. Nous étions rassasiés seulement après trois ou quatre assiettes! Cela devenait gênant lorsqu’on mangeait en présence d’autres voyageurs!

Nous avons finalement bouclé le circuit dans un temps record de 13 jours! Si le sentier était d’une splendeur parfaite, nous avons découvert que sa difficulté était plutôt légère. Le tour de l’Annupurna est effectivement accessible à toute personne en santé! La seule façon de composer avec l’altitude est de prendre son temps. Pour gravir de hautes montagnes, il faut du temps. Ça adonnait juste bien, c’est essentiellement ce que nous avions…. du temps!