vendredi 29 avril 2011

Rallye-Brasserie

Un jour, Geneviève me demandait quelle rencontre fût la plus marquante pour moi, depuis le début du voyage. Normalement, c’est le genre de question dont on fournit difficilement une réponse. On nous demande souvent « Quelle est le plus beau pays que tu aies visité? », « Où sont les gens les plus sympathiques? », etc. Toutes ces questions aboutissent rarement à des réponses précises. Nous avions rencontré un nombre phénoménal de gens en Australie. Mais au bout du chemin, que restera-t-il de tout cela? Malheureusement, la majorité des gens rencontré seront oubliés. Seulement quelques un resteront marqués dans nos mémoires.

 
Malgré tou cela, il était plutôt facile, pour moi, d’identifier la rencontre qui me marqua le plus en Australie. Alors que nous passions dans un petit village de l’arrière-pays, un camion s’immobilisa au milieu d’une rue. Le conducteur voulait visiblement nous parler. Nous venions de croiser le chemin d’Erko, un voyageur originaire d’Estonie qui avait trouvé du travail dans ce trou perdu au milieu de nulle part. C’était vers midi et Erko travaillait jusqu’à 5 heures. Il nous donna son adresse et nous invita à passer l’après-midi chez lui en attendant son retour. La clé était sous le tapis de l’entrée. Déjà, c’était plutôt spécial. De nos jours, il n’y a peu de gens qui donnent les clés de leur maison à des inconnus rencontrés dans la rue. La confiance aveugle n’existe plus. Cela nous intriguait donc, de découvrir qui était ce personnage différent des autres.
 
Erko, nous rejoint chez lui pour le souper et nous cuisina un risotto qu’il partagea avec les quatre autres colocataires qui habitaient la maison. Nous le connaissions seulement depuis quelques minutes et il agissait avec nous comme si nous étions des frères pour lui. Erko avait la bonne habitude de ponctuer chacun de ses phrases de grands éclats de rires et de larges sourires, une manie qui rendait son discours très florissant. Certaines personnes semblent être des messagers de la bonne humeur. Il fait partie de ce petit groupe sélect qui donne beaucoup d’énergie dans leurs interractions avec les autres. Je ne pouvais m’empêcher de penser à Simon et Anne-Marie, au Québec, qui ont les mêmes pouvoirs. 

Erko nous raconta comment il a grandi dans une commune d’ex-URSS avec des gens comme lui, qui favorisait une meilleure communication entre les gens du village. La commune grandit en popularité et fût nommée responsable d’organiser toutes les activités de la communauté. A la blague, Erko nous disait que « s’il n’y a pas de cinéma où tu habites, il faut faire son propre cinéma. » Dans cette petite municipalité d’Australie, il s’était donc inscrit dans la chorale et connaissait maintenant tout le monde. Marcher dans les rues du village avec lui me rappelait les sorties au pub universitaire avec Simon. Il ne passait pas 10 secondes sans que quelqu’un l’intercepte pour lui parler. Erko prenait toujours soin de rendre chaque rencontre très colorée. Pour cette raison, Erko gardera une place bien spéciale dans notre mémoire.   

La vodka (une rencontre avec des Russes l'oblige) avait bien fait son effet et nous sommes repartis avec un solide mal de tête. Heureusement que le vent s’était retourné! Nous avions désormais un vent de dos qui nous gardait de bonne humeur malgré la gueule de bois. 
 
Nous avions alors gardé l’habitude de faire du camping sauvage tous les soirs. Une nuit, nous avons posé la tente sous une passerelle qui supportait  une voie ferrée. C’était le seul endroit que nous avions pu trouver à l’écart de la route. Nous roulions sur une plaine sans arbre et les abris pour itinérants se faisaient rares. Ce qui nous semblait une bonne idée au départ fût, en vérité, une énorme erreur. Le trafic ferroviaire fût incessant cette nuit-là. A chaque heure, le passage d’un train au-dessus nous tira hors du sommeil en simulant une fin du monde sonore. Une expérience assez traumatisante. 
 
Lorsque nous avons rejoint Port Lincoln, la seule vraie ville que nous aillions croisé depuis deux semaines, deux jeunes femmes sont venus à notre rencontre, intriguées par l'allure de nos vélos. Les deux Australiennes étaient des journalistes pour ABC, une chaîne de radio nationale. Elles cachaient difficilement leur intérêt pour notre voyage. En fait, elles désiraient nous inviter à la station pour en discuter publiquement, en onde. Nous étions un peu gênés d’accepter l’invitation, croyant que nos histoires ne sauraient éveiller l’intérêt du grand public. Nous avons quand même tenté notre chance. 
 
De retour à Port Pirie, après avoir rebroussé chemin devant de désert, nous ne savions plus trop où aller. Nous étions dans une attente éternelle pour voir l’application de Geneviève se faire accepter en tant que physiothérapeute.  Il nous fallait donc étirer notre route en attendant. Nous avons donc décidé de reprendre la route vers la vallée de Clare, une région reconnue internationalement pour ses bons vins, plus précisément ses rieslings et ses shiraz.  
 
Fidèles à leurs bonnes habitudes, David et Kaylene nous ont invités à un déjeuner familial dans un parc près de Port Pirie. Ici aussi, nous pouvons profiter de ces bons vieux déjeuners anglais : œufs, bacon, fèves au lard, etc. Avant notre départ, Kaylene prit soin de nous laisser les coordonnées de sa sœur qui habite dans la région de Clare. 
 
C’est ainsi que nous avons fait la rencontre de Fiona, la sœur de Kaylene. Dans sa maison juchée au sommet d’un vignoble, elle nous reçut chaleureusement dans une ambiance décontractée. Autour d’un BBQ typiquement australien, elle nous raconta plusieurs anecdotes sur la région. Elle qui est propriétaire du seul salon de coiffure du village en avait beaucoup à raconter. J’ai toujours su que toute bonne coiffeuse se doit d’avoir un côté social très développé. Du moins, c’est de la façon dont je les imagine. Cela fait des années que j’évite les salons de coiffure! 
 
Notre tour de cyclotourisme prenait alors des tournures de rallye-brasserie. A chaque arrêt dans un vignoble, nous profitions des dégustations gratuites de vins qui se vendaient généralement dans les trois chiffres. Geneviève appréciait particulièrement la descente du dispendieux liquide dans le gosier. Personnellement, je me sentais un peu mal de pas faire de différence entre mon bon vieux cochon-mignon et ces bouteilles qu'on nous sert le petit doigt relevé. Dans ces institutions réservées à la haute société, on sent la nécessité de simuler une certaine connaissance du produit. Le mensonge me paraît un peu gros dans mon cas. Enfin, après une vingtaine d’arrêts dans des vignobles renommés dans la vallée de Clare et dans la vallée de Borrassa, je ne suis pas plus connaisseur et j’apprécie tout autant ma bonne vieille piquette à 5$!
 
Entre deux gorgée de vin, nous avons visité une mine de cuivre, telle que recommandée par Ariane. Malheureusement, nous n’avons pas pu rencontrer de minier à l’œuvre, car la mine à ciel ouvert était fermée depuis près de 100 ans. Mais, comme tu le dis Ariane, « la géologie c’est vraiment intéressant ». Voici donc à quoi ressemble donne une mine de cuivre à ciel ouvert inondée : des couleurs hallucinogènes éparpillées comme un travail de fin de session d'un gradué de la maternelle. 
 
Autre expérience hallucinogène, nous avons dormi sur un terrain de camping où séjournaient une cinquantaine de cueilleurs de fruits Français. Pas un anglophone autour, nous avons assisté à une soirée bruyante, enfumée et colorée telle qu’on les connait bien en France. Ce genre de soirée nous faisait sourire, mais ne cadrait pas très bien dans nos objectifs de voyages.  
 
Nous avons plutôt cherché les endroits pour faire un peu d’activité physique. En route, il y avait plusieurs terrains de golf très accessibles, mais aucun d’eux ne louaient des bâtons.  Fait particulier, les faibles précipitations de l’Australie ne permettent pas d’entretenir des verts convenablement. On taille alors des vieux pneus en grenailles de caoutchouc qu’on utilise pour surfacer le tour des trous. Il faut donc passer un coup de râteau dans les traps et sur les verts! En raison de notre manque d’équipement, nous nous sommes rabattus sur le Tennis. Nous avons cruellement réalisé que nous n’étions plus en forme pour ce genre de sport. Pendant trois jours j’ai eu de la difficulté à me déplier le dos! Je vous l’assure, le vélo n’est pas un sport tellement complet!

Le temps de prononcer « Nabuchodonosor-roi-de-Babylone », nous étions de retour à Adelaïde! Juste à temps pour que Geneviève assiste à un cours d’acuponcture destiné aux physiothérapeutes. Maintenant, qu’ils lui donne le droit de travailler ici! Bientôt, elle sera trop qualifiée pour eux!


1 commentaire:

  1. Aucune chance que CBC vous interview ici! :D Un prophète (deux ici) ne peut être reconnu dans son propre pays, c'est évident!

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