dimanche 27 février 2011

Australie, la Grande Aventure!

Je nous revois à l’aéroport de Sydney. Deux jeunes qui vivent dans la rue depuis un mois parmi tous ces hommes d’affaires venu remplir leur portefeuille. Cette fois, il y avait peu de temps pour observer les allées et venues des voyageurs. Nous avions un rendez-vous avec le destin. Nous devions rencontrer une dame inconnue qui s’est offerte pour nous héberger. Elle habitait à 40 km à l’ouest de la ville. Ce n’était rien, ce n’était rien. Il était midi, les deux vélos étaient encore dans les boîtes et nous avions fixé le rendez-vous à 18h. Il fallait faire vite. Nous avons alors établi un nouveau record : 1h30 pour assembler les deux vélos bécanes. Pas de stress nous étions désormais des pros. 
 
La dame des douanes nous avait bien avertis : traverser Sydney à vélo ne nous mènerait nulle part sauf peut-être à la morgue. Nous nous sommes dit que ses conseils ne valaient rien de bon et nous sommes partis comme des voleurs. Peut-être que la capitale n’adhère pas à la culture du vélo, mais nous nous battrons toujours pour notre cause. Que les machines aillent se faire voir, nous nous dirigions vers le highway.
 
À 17h50 nous avons rejoint la destination. Vivants. Sydney rejoint donc Bangkok, Hanoi, Kunming,  Shanghai, Hong Kong et Montréal pour ce qui est des grandes villes que nous avons traversées à vélo. Le cyclotourisme dans une telle densité urbaine ne se fait pas dans le bonheur et l’aisance. On se retrouve coincés entre des chauffards sans respect, entre des animaux motorisés pressés d’aller nulle part. L’Australie ne fait pas d’exception à la règle. Ici aussi, on exprime sa testostérone à grands coups de bottine au plancher d’une berline modifiée pour être plus bruyante. Certains appellent cela le monde civilisé. Que jamais on ne nous fasse visiter la jungle.
 
Je disais; nous avons rejoint la maison d’Ann, notre hôte pour les prochains jours. Encore une fois grâce à Couch Surfing, nous allions vivre une expérience culturelle locale sans dépenser le moindre sous. À notre arrivée, Ann s’avança d’un pas rapide et nerveux pour nous serrer la main. Par sa démarche on remarquait que la grande blonde disposait d’une grande classe et finesse. Qu’est-ce que cette dame pouvait bien retirer du fait de recevoir des voyageurs chez elle? Ann est une femme célibataire de 52 ans, mère de quatre enfants. Elle possède suffisamment de beauté pour faire tourner la tête des jeunes hommes qui ont la moitié de son âge. Œuvrant dans le monde de la finance, elle octroie les hypothèques des gros requins du monde de l’immobilier. 
 
Voilà, Ann a compris que la vie n’était pas faite pour être vécu seule. Elle a compris que la présence de gens motivés autour d’elle la conserverait jeune à jamais. Cela semblait fonctionner à merveille je vous l’assure. Après une soirée de théâtre où elle assurait le service au bar, nous nous sommes tous dirigés au centre-ville pour y passer la nuit. A 3h du matin, Ann était la seule toujours aussi déchaînée sur la piste de danse! Chaque instant passé avec Ann était très intense. Elle nous répétait sans cesse que la vie devait être vécue comme si c’était notre dernière journée sur cette terre. Merci Ann pour tous ces beaux moments. Merci à Brandon, son fils pour les bières et les bonnes discussions sur la musique, sa vraie raison de vivre.

Sur la fiche de Couch Surfing d’Ann, elle expliquait qu’elle désirait recevoir des voyageurs pour une période de 3 jours maximum. Nous sommes donc restés chez elle 3 jours en tant que Couch Surfers  et 4 jours supplémentaires en tant qu’amis. C’était fait, nous avions de nouveaux amis en Australie! 

Nous avons alors entreposés les vélos et avons pris un laissez-passer d’une semaine pour le réseau de transport en commun de la grande ville. Chaque jour, nous nous baladions les yeux rivés vers les hauteurs pour admirer toute la splendeur architecturale de la ville. Sydney est une belle ville. Propre malgré ce qu’on en dit. Entre chaque visite nous nous dirigions vers cette bouche de métro où des japonais distribuaient des sushis à un prix dérisoire. 
 
Nous avons aussi fait la rencontre de Pascal, un ancien coéquipier de bateau-dragon à Geneviève. Déménagé à Sydney avec sa copine depuis 3 mois, il nous raconta comment la chasse au travail est difficile ici. Son moral était à plat. Pour le moment, nous étions que des touristes de passage, mais nous nous retrouverons rapidement dans la même situation. Une fois la traversée du pays complétée, il faudra s’y mettre nous aussi. La tâche semble ingrate, pesante. On ne se laissa pas abattre, nous nous battrons avec détermination lorsque le temps sera venu. Pascal, je suis content de vous avoir rencontrés toi et ta charmante copine et je vous souhaite vraiment tout ce que vous méritez!
 
Parmi les inévitables aventures de Geneviève et Pierre dans la ville il y a : 

- Cette marche de 7 km au milieu de la nuit dans un quartier résidentiel de l’ouest de la ville. Le réseau de transport était terminé et c’était la seule façon de rejoindre notre lit. Nous avons dû combattre chauve-souris géantes et vilaines araignées pour survivre. Cela tire du miracle que nous aillions retrouvé notre chemin dans ces rues mal éclairées et entretenues!  

- Nos tentatives de surfer les grosses vagues Australienne. On aura tout essayé. Même si ce n’était pas notre première fois, nous étions de vrais débutants! Heureusement, nous avons plusieurs mois devant nous pour rectifier la situation.

- Les nombreuses heures à la plage sont venues à bout de briser ma nouvelle caméra. Du sable pris dans la lentille. Un coup dur. A chaque fois, la même question me revient. Ne serait-t-il pas mieux de voyager avec seulement ce qu’il faut pour survivre? Voir au bon fonctionnement de toutes ces choses me gruge énormément d’énergie. Un bon samaritain a flairé la bonne affaire et l’a finalement réparée pour la modique somme de 250$. Nous avons classé cet événement dans les histoires frustrantes à oublier.

Lors de notre passage au Vietnam en 2009, nous avons fait la connaissance de James et Cecilia, deux amoureux de la nature. Nous nous étions alors égarés avec eux dans un magnifique parc national (http://velopacifique.blogspot.com/2009/05/mi-temps.html). Voilà que les deux sont désormais mariés et qu’ils vivent en banlieue de Sydney. Nous avons donc arrangé une petite visite surprise! Nous avions manqué leur mariage en Suède, mais cette fois nous serions au rendez-vous! C’est hallucinant de réaliser que peu importe où on se trouve sur cette planète, il y a souvent des amis qui habitent pas très loin! Lorsque nous sommes sur la route, chaque jour est une nouvelle occasion de rencontrer des gens. Le cercle d’amis est de plus en plus diversifié et étendu. 

James et Cecilia nous attendaient sur le quai de Thirroul, une petite station au bord de la mer. L’air zen, ils nous embrassèrent et nous conduisirent chez les parents de James au sommet d’une colline qui offre une vue magnifique sur l’océan pacifique. Nous avons mangé de la bonne cuisine indienne. Nous avons marché dans la jungle, jusqu’à ce que les sangsues nous montent jusqu’aux genoux. Nous avons bu et ri. Nous avons visité les plages de surf où les enfants de 10 ans nous en mettaient plein la vue. Nous nous sommes remémorés les bons moments passés en Asie. Il me semblait que les deux avaient changé. Leur passage en Mongolie semblait avoir transformé leur vie. Ils étaient devenus adeptes de la méditation, du yoga et du transfert d’énergie en utilisant le Crystal comme élément de transdescendance. Ils semblaient être sur la bonne voie pour vivre une bonne vie au bord de la mer. Il était bon de retrouver nos amis. Le week-end passa vite et nous étions de retour dans la capitale. 
 
Le 16 février 2010, notre maison était chargée sur nos 4 roues. Il était temps de partir. La route sera longue pour traverser l’Australie, mais je sais que nous y arriverons. Un coup de pédale à la fois…

Un petit sourire à Geneviève alors que nous quittions la rue où Ann habite. Ça fait toujours bizarre de partir pour une randonnée de vélo de 4000 km.

mercredi 23 février 2011

Fermer la boucle

Nous en étions à nos derniers jours à Fidji. Il nous restait moins de 200km à couvrir pour fermer la boucle, remballer notre équipements et s’envoler vers l’Australie. A l’approche de ce changement, nous étions plus conscients que jamais de notre chance d’être là. A chaque tournant, la route offrait une vue différente sur la mer. Quelques fois, les vagues venaient frapper contre un muret qui nous séparait de l’océan. Nous nous laissions alors arroser par les gouttelettes salées. On ne peut faire du vélo plus près de la mer. Plus près que ça, ça devient du pédalo. 

Sur notre route, nous avons croisé une auberge que plusieurs nous avait recommandée. Sous le nom de Beach House, on y reçoit les voyageurs à petit budget (backpackers) comme si c’étaient des princes arabes. A première vue, l’endroit semblait sympathique. On y sert des déjeunées gratuits à volonté! Wow! Quel bonheur de pouvoir manger des Muslix dans un pays où le beurre d’arachides est rare! Le café importé de la Nouvelle-Zélande nous assurait des matins ensoleillés! Jusqu’à ce que… le confort ne suffise plus pour nous satisfaire. Le problème avec ce genre d’endroit c’est qu’on y rencontre un nombre extraordinaire de voyageurs qui se donne la vie facile en voyageant de nid douillet en nid douillet. Pas d’aventures, pas d’histoires intéressantes. Les discussions tournent autour du prix de leur dernière chambre d’hôtel où du prix de la bière sur les îles. Déçus, nous sommes repartis. Rien appris. Nous n’étions pas de meilleures personnes non plus. Pas une perte de temps… mais presque.

Nous avons quand même fait la rencontre d’un couple Australien intéressant. La jeune fille tentait de rejoindre sa famille à Cairns pendant le terrible ouragan qui frappa la ville. Évacuée quelques heures avant la tornade, il semble que tout se soit bien passé pour eux, mais la voyageuse était visiblement nerveuse. Son copain s’adonnait à une activité peu ordinaire. Il se levait à 4h du matin pour faire la pèche au harpon. Munit d’un harpon et d’une ceinture de plomb, il plongeait à 25m de profondeur en retenant son souffle et en attendant qu’un poisson de taille intéressante se manifeste. Impressionnant. Le dernier barracuda chassé lui avait brisé sa ligne. Trop gros. Trop fort. On retrouva le harpon sur le rivage un jour plus tard égratigné par ce qu’on imagine être des dents de requin. 

Un peu plus loin sur la route nous avons bifurqué vers une baie qui semblait déserte. A l’intersection, on y apercevait seulement une pente abrupte qui se dirigeait vers la mer. Selon ce qu’on en dit, on y retrouve la plus belle plage de l’île principale. Ok. Et les plus grands hôtels de ce monde. Évidemment. La journée s’étirait et nous savions que si nous y descendions, c’était pour y rester. Cette fois je ne le sentais pas. En général, je n’aime pas planter ma tente sur dans le stationnement d’un Hilton. Encore moins sur SA plage privée. Tout à coup, la solution apparue…

Un Indiens dans son taxi s’arrêta tout bonnement et nous invita chez lui pour passer la nuit! Bingo! On ne pouvait espérer mieux. Premièrement, nous avions eu peu d’occasion de côtoyer les Indiens qui vivent à Fidji. Vu de l’extérieur ils paraissent moins accueillants, moins sympathiques que les Fidjiens. Il ne faut pas se fier aux apparences alors sommes allers voir. Deuxièmement, sa maison était située à moins de 1 km de la plage blanche et de l’eau turquoise. Voici donc nos observations : Il est vrai que les Indiens sont moins souriants au premier contact. Par contre, une fois que la glace est brisée, l’hospitalité et la générosité abonde. Nous étions embarrassés de voir la mère du chauffeur de taxi se démener pour nous offrir un repas typique indien. Encore plus gênés de nous étions les deux seules personnes présentes autour de la table. C’est ainsi, les invités mangent en premier et les restes vont à l’homme de la maison. Ensuite, c’est le tour des femmes et des enfants. Ce n’était pas notre première fois, mais nous serons toujours surpris par ces traditions!
 
Nous étions de retour au point de départ. Transformés. Physiquement et mentalement. Nous avions découvert un nouveau peuple et un nouveau territoire. Des gens merveilleux dans une contrée magique. Nous sommes revenus bronzés comme des fermiers, les cheveux longs et la barbe forte. Les surplus de Noël étaient brûlés depuis longtemps. Les machines étaient bien huilées. Nous étions prêts. Prêts pour le prochain grand défi; la traversée de l’Australie!

Nous avions aussi pris le rythme fidjien. Preuve : il nous a fallu 1h30 pour mettre les vélos dans les boîtes lors de notre départ de Montréal. Pour partir de Fidji, cela nous a pris 6 heures. Mission accomplie, la vie avait repris son cours normal. Nous avions désormais le temps de respirer et de vivre! 

Le temps de le dire et nous étions en Australie. Pour le moment, il n’y avait rien à signaler. Sauf peut-être que nous étions anxieux. Anxieux parce que c’était la première fois que nous voyagions à vélo dans un pays industrialisé. Est-ce que nous serions aussi bien reçus ici? Est-ce qu’il serait possible de vivre simplement sans se mettre la corde au cou du côté financier? 


Le premier contact avec les Australien fût lorsque nous passâmes le poste douanier. La dame inspecta nos vélos. Jeta un regard de dédain et nous annonça avec découragement « il va falloir laver toute cette boue! ». Voilà! L’Australie est un pays développé. Ils ont beaucoup à perdre et pas question d’importer quelques bactéries des pays pauvres. Nous comprenions. La douanière fît un nettoyage majestueux de nos vélos, de nos souliers et de nos sacs! Wow! Merci. C’était parfait! J’aurais tout de même aimé qu’elle huile ma chaîne un peu après, mais je n’ai pas osé demander.

Avant de partir, la dame nous demanda quelles étaient nos plans pour rejoindre notre hôtel. Il n’y a pas d’hôtel madame. Et nous voulons sortir de Sydney. N’importe où vers l’Ouest. « Impossible ». Telle fût la réponse. 

vendredi 11 février 2011

Le Nouveau Monde

Un trip de LSD; une expérience ultra-sensorielle; un voyage au cœur d’un monde antithétique; un monde ou le vertical l’emporte sur l’horizontale; un monde où les principes d’Archimède prévaut sur les lois de la gravité; un monde où les habitants se sont transformés en papillons et se baladent dans un univers à 360 degrés. Telle est la façon que je décrirais la plongée sous-marine.

Pour accéder à ce monde, le plongeur revêtit un équipement qui rend la vie sur la terre encore plus difficile. Une ceinture de plomb autour de la taille, un cylindre de fer dans le dos et un habit de polypropylène qui lui limite la respiration, le plongeur expérimente un pénible inconfort avant de connaître une délivrance totale; le moment où, à la renverse, il se jette dans l’océan. 


Lorsque le plongeur s’immerge sous l’eau, la pression sur ses oreilles augmente considérablement. À 20 mètres sous l’eau, la pression exercée est équivalente à 3 fois celle de la surface. Il n’est pas rare de ressentir une douleur au niveau de tympans. Il faut alors équilibrer la pression. Je dois vous avouer que tout cela nous faisait un peu peur. Et si nous ne pouvions ajuster l’équilibre? La douleur serait insoutenable! Le plus creux que nous avions déjà été était 4 mètres. Maintenant, on nous demandait d’atteindre les 30 mètres! À notre grande surprise, cela se fît sans trop d’effort et de douleur!

Nous avions désormais le permis pour accéder au monde marin qui compose 70% de la surface de notre planète. Les biologistes s’entendent sur le fait que, pour une superficie équivalente, un fond marin compte une diversité végétale et animale 10 fois plus importante que la couche terrestre. Un nouveau monde s’ouvrait à nous avec une explosion de couleurs et de vie. 

Fiji figure parmi les destinations internationales prisées par les adeptes de la plongée sous-marine. Certains sites font partis des palmarès  - top 10 - des meilleurs endroits pour plonger dans le monde. Notre présence à Fiji était un peu tirée du hasard. Nous nous comptions donc très privilégiés d’y être! 

Nos cartes de plongeurs en poche, nous sommes repartis sur nos vélos. De retour dans un monde où la gravité fait sa loi. Pour nous en faire la démonstration, la route se transforma en un chemin de terre quasi-vertical. Nous roulions alors à l’Est de l’île principale; une section très peu fréquentée par les touristes et les machines à gaz. Pour franchir un plateau accidenté d’origine volcanique, les Chinois s’affairent depuis près de 15 ans à construire une route qui complètera la boucle de Viti Levu, la grande île.

C’est en roulant dans cette section sauvage que la destine frappa à notre porte. Nous nous sommes arrêtés dans un petit village pour y prendre de l’eau et se cacher un peu du soleil qui devenait meurtrier. Notre présence causa un attroupement de petits bonhommes et de petites filles en vacance d’école. Le chef du village y était aussi, accompagné d’un jeune homme à l’apparence soigné. Les deux tentèrent alors de nous convaincre de passer quelques jours dans le village avec les gens qui ont très peu vu de blancs dans leur vie. Pour nous persuader, ils employèrent des méthodes fortes. Ils commencèrent par nous offrir des noix de coco fraîchement coupées des palmiers. Ensuite le chef nous présenta les activités des prochains jours : descente de rivière en radeau de bambou, course de chevaux dans la jungle, volleyball et rugby avec les gens du village, cérémonie du kava, pêche au harpon, etc. 

Inutile de vous expliquer pourquoi, nous avons passé deux jours avec nos nouveaux hôtes. Ce fût une expérience inoubliable. La générosité sans fin de ses gens qui n’ont même pas l’électricité! On aurait cru au premier œil qu’ils avaient peu à offrir. Erreur! Courses de natation dans la rivière, concours de flats, promenade sur chevaux sans scelle, partie de volleyball et de rugby… cela faisait partie de leur quotidien et ils nous intégraient à leur activités comme si nous étions des amis de toujours. Nous avons même participé à un gros repas commun constitué de légumes biologiques qui poussent autour de la forêt. Tout cela gratuitement, en échange de notre présence. Un aîné du village me raconta que tous ces gens seront récompensés au ciel, lors du jugement dernier. Bien reçu! Nous demeurons disponibles pour la rédaction de lettres de référence.

Alors que nous quittions cette zone sauvage de l’île, nous nous rapprochions de Suva, la capitale du pays. La densité de population s’intensifiait et l’intensité du trafic nous rendait fous. Prenant conseils de mon petit frère qui roule dans le trafic de Montréal, j’utilisai ma main pour frapper sur la carrosserie des voitures et camions qui passent à 5cm de mon guidon. Malgré le paysage magnifique de la route au bord de l’eau nous avons rejoint la capitale avec une certaine frustration. 

Notre objectif était de fuir cette ville le plus rapidement possible. S’enfuir sur une autre île connue sous le nom de Taveuni. Pour s’y rendre, il faut monter sur un bateau de fortune et partir en haute mer pour une traversée de 20 heures. Pas de soucis, nous étions motivés pour affronter l’océan. Le problème c’est qu’on était samedi. Le bateau partait seulement mardi! Nous étions donc pris dans la capitale à tuer le temps avant de partir pour Taveuni. Malheur!

Malgré l’architecture intéressante de la ville, il y avait peu pour nous satisfaire pendant 4 jours. Nous avons tout de même trouvé une super forêt pour faire une randonné. Au bout du sentier, une liane descendait d’un palmier et on a pu pratiquer nos talents de Tarzan. Nous avons aussi rencontré le président de l’association du cyclisme de Fiji. Nous avons alors eu une invitation officielle pour le tour de Fiji 2011.

Enfin, nous y étions, Taveuni! Cette petite île offre les meilleurs sites de plongée au monde. C’était la raison principale de notre présence sur cette terre perdue au milieu de l’océan. Dans un détroit marin exceptionnel, se trouve les coraux et une multitude de poissons exotiques. Il n’est pas rare d’y observer des baleines, requins, raies géantes, barracudas, etc. Pour rien au monde, nous voulions manquer cet endroit unique. Nous avons alors bordé un petit bateau 4 places et nous sommes partis au large encore une fois, équipés de notre équipement de plongé. Détail important : c’est précisément lors de cette journée qu’un cyclone de force 5 c’est développé au-dessus de Fiji pour frapper durement l’Australie. Nous étions au large, dans une chaloupe. Les vagues qui frappent. Violemment. L’estomac qui tourne. La tête qui perd le Nord, le Sud, le haut et le bas. Assez pour que je renvois mon déjeuner et mon dîner plusieurs fois par-dessus bord! Jamais je n’ai été aussi malade sur un bateau. Geneviève de son côté était un peu ébranlée, mais elle fît comme une grande! Encore une fois, tout ce calvaire s’estompe une fois sous l’eau. On y gagne un paradis calme et paisible. Un répit qui ne donne pas envie de retourner à la surface!

Entre plongées et promenades à vélo, nous avons marché au bord d’une petite rivière qui coule sur une roche usée sur une centaine de mètre. Glissades d’eau! Comme des enfants, nous avons passé l’après-midi à glisser, grimper et plongée dans l’eau froide. 

De retour à la plage où nous faisions du camping, c’était l’anniversaire d’une jeune femme qui célébrait ses 21 ans. Aux îles Fidji, cela signifie le passage vers le monde des adultes et on célèbre cela lors d’un grand regroupement et d’une fête pour tous les âges. Les petits mangent de la crème glacée et du gâteau tandis que les femmes dévorent poulet, bœuf et porc en grande quantité. Les hommes, de leur côté ingurgite une quantité impressionnante de l’éternel kava. Tout le monde y trouve son pied. La fête se termine aux petites heures du matin.

De retour sur l’île principale (après s’être tapé 40 heures de bateau en haute mer), nous nous sommes dirigés vers Pacific Harbour. Encore une fois motivés par la plongé. Cette fois, c’était pour plonger avec les requins. Je vous laisse observer par vous-même la vidéo que j’ai tournée à 30 mètres de profondeur. Les petits requins sont des reef sharks, les gros sont des bull sharks. Nous étions en liberté (sans cages) et eux aussi. Il devait y avoir une trentaine de prédateurs autour de nous, dont les plus gros mesurait plus de trois mètres! Une expérience à couper le souffle… surtout sous l’eau! 

mercredi 2 février 2011

Hauteur et Chaleur


La population des îles compte sa part de personnes d’origine indienne. A notre grand bonheur, on y sert des currys et des spécialités du sous-continent qui nous donnent le feu à la bouche et le feu aux… autres endroits. Par chance, la variété de la cuisine indienne vient ravauder celle de la cuisine Fidjienne qui est plutôt limitée. Hors des grands hôtels de marbre, la vraie population s’en tient au Coca-Cola, au pain blanc et autres déchets culinaires. Les nouilles instantanées sont présentées comme une gastronomie fine, remède de tous les maux. Pourtant, la jungle foisonne de bons fruits et l’océan abonde en poissons de toutes les espèces. Mystère à résoudre…

Notre périple était entamé depuis quelques jours. Nous tentions de nous remettre dans une routine de routards, dans un mode, inconfortable-mais-j’m’en-fou. Nous étions cependant demeurés sur l’idée que la vie sur deux roues était facile. A la fin de notre dernier périple c’est ce qu’il nous semblait. Nous pouvions retrouver en moins de 5 secondes la moindre pièce de notre équipement. Il fallait au moins 100 km avant que nos fesses n’aiment plus nos bancs de vélo. Nous pouvions résoudre le moindre bruit suspect sur la mécanique en deux ou trois mouvements. Après un an, c’était comme si nous étions des apprentis. Il fallait alors vider les dix sacs pour trouver le savon ou le coupe-ongle. Pendant trois jours, nous avons pensé avoir perdu le brûleur qui nous sert pour cuisiner notre nourriture. Un cerveau affecté par le kava l’avait finalement à la mauvaise place. Nous avions mal au corps après seulement une heure de route. Ouf!

Notre départ ressembla beaucoup à celui de la Thaïlande en 2008. Un peu parce que nous étions malhabiles avec nos vélos chargés. Beaucoup parce que nous étions sur-motivés par les possibilités du terrain et de notre moyen de transport. À chaque embranchement, une possibilité de sortir de la route principale et de créer une nouvelle aventure. Nous avons résisté aux premières tentations, mais nous avons fini par céder. Une petite route qui se dirigeait vers le centre de l’Ile. Un chemin peu sûr de lui qui donnait possiblement accès à un village perdu qui se nomme Abaca. Enfin, utiliser le mot « accès » serait de l’abus de langage. Dès les premiers kilomètres dans la nature sauvage, nous avons été bloqués par deux rivières qui inondaient la route. Sans trop connaître la profondeur de l’obstacle, nous nous sommes lancés. L’aventurier en nous refaisait surface. Nous étions devenus des chasseurs de crocodiles sur un territoire inconnu. Nous commencions à se rappeler pourquoi nous faisions ce genre de voyage. Pour l’adrénaline. Pour le frisson de se balader dans la jungle, loin de toute vie humaine, loin de tout secours possible.

Le second obstacle qui nous attendit ne fût pas de moindre taille. Une colline de 600 mètres s’élevait devant nous. Sous un soleil de plomb, nous avons entrepris longue montée. Quelques fois sur nos montures et souvent à leurs côtés à pousser la lourde charge, nous souffrions de plus en plus du manque d’eau et de la chaleur intense. Assez pour me faire voir du noir. Assez pour que mes genoux fléchissent. Lorsque nous ralentissions la cadence, tous les moustiques de la forêt tropicale venaient prendre une bonne gorgée de notre sang. C’en était trop pour moi. Nous avons monté la tente et j’ai dormi. Là, au milieu du chemin, comme si j’allais hiberner à 400 C. Plus loin, nous avons trouvé une rivière qui nous redonna un peu de vigueur. Et nous avons enfin pu rejoindre Abaca!

Le petit village est situé à la base d’une montagne impressionnante qui est la deuxième plus élevé de Fidji. Son ascension de 1100 mètres permet de découvrir une diversité végétale ahurissante. Un étroit chemin serpente sur le flanc de la cime et nous fait traverser cascades et torrents. Assoiffés, nous avons bu directement de la rivière. Ça donne un drôle de feeling. De tels endroits ce font de plus en plus rares sur la planète. Oui, nous avions mis beaucoup d’énergie pour s’y rendre, mais l’appel de la nature était plus fort que nous. Nous y étions.


De retour dans la civilisation, nous avons parlé aux gens de notre visite à Abaca. Dans une mauvaise compréhension de la langue, certains croyaient que nous avions l’intention de s’y rendre; que notre séjour dans les montagnes se situait dans le futur et non dans le passé. Ainsi, ils ont tentés de nous résonner : il est IMPOSSIBLE de s’y rendre pendant la saison des pluies. Encore moins en vélo! Cela me rappela un vieux proverbe; « Ils ne savaient pas que c’étaient impossible, alors ils l’ont fait ».  


Nous avons ensuite roulés les 150 km qui nous séparait de Voli Voli; un site de plongée sous-marine reconnu internationalement. Nous accumulions les kilomètres et les coups de chaleurs. La canicule était d’une intensité absurde. Le trajet n’avait rien de facile. Oui, nous voulions visiter Fidji à vélo, mais nous voulions aussi découvrir ses fonds marins qui sont, semble-t-il, d’une beauté inégalée. Nous étions en voie d’obtenir notre passeport pour le monde marin. Oh oui! Le terrain de jeux serait encore plus grand.