mardi 28 juin 2011

Voyage vers l'Ouest

Adelaïde, par un matin gris et venteux. Nous avions chargé les vélos, mais avec moins de rigueur que l’usage général. Nous avons connu un départ lent à 5 km/h. Et puis 10. Un grincement se fit sentir. Enfin, nous atteignions le 30. Et puis 60. La route s’adoucit, le temps d’atteindre les 110 km/h. Il est beaucoup plus rapide de voyager en train que de voyager en vélo! 

Nous étions en route vers l’Ouest. L’objectif final. Cette balade motorisée rendait la chose officielle : Nous n’allions pas compléter la traversée de l’Australie à vélo. Trop d’embuches bureaucratiques. Trop peu de temps pour réaliser l’impossible. Et surtout trop de camions de 55 mètres de long conduits par des robots sans émotions. Bref, nous avons choisi de tricher et nous n’avions même pas honte. 

Encore le frisson du départ, pour la cinquante douzième fois cette année. Encore un endroit qu’on ne reverra jamais plus de sa vie. Il valait mieux ne pas y penser. Comme d’habitude, on se dépêche pour ne pas de la paresse nous rattrape. On se presse pour ne pas avoir à se retourner et on coupe toutes communications avec les regrets.  C’était le temps pour nous de quitter l’Est australien. 

J’ai toujours aimé la poésie qui entoure ces routes de fers qui s’enfoncent dans de grands espaces. Ne serait-ce que par sa disposition historique, le train est le théâtre qui permet à monsieur et madame de se transformer en véritable globetrotteur. C’était ainsi à l’époque de nos grands-parents et c’est encore pareil aujourd’hui. C’est en super héros qu’on y monte, même s’il n’y a personne qui nous attend au début et à la fin de cette route. Après tant de mois à vagabonder sur nos vélos, nous avions l’habitude de n’exister que pour nous deux. 
 
Le chef de gare aura bien tenté de nous divertir avec sa moustache de 20 cm, mais la beauté des paysages triompha aux rangs des merveilles de ce monde. Dis-mois, est-ce que c’est beau le désert? Il n’y a pas de mot madame. 2 millions de mètres de sable alignés un après l’autre. Paisible, mais meurtrier. Chaud, mais froid. Vide de contenu, mais plein mystères. 
 
Lorsque je me réveillai tout courbaturé d’avoir dormit sur l’épaule de Geneviève, le soleil explosait sur la dune. Qu’est-ce que j’aurais donné pour descendre de ma cage de fer. Sentir le vent sur mon visage en pédalant au soleil levant. Planter la tente au milieu de cet espace sans repère géographique et s’endormir au son des hurlements des dingos. Gouter le sable qui grince entre mes dents. Quatre de mes sens criaient à l’injustice pendant que ma vision tentait de calmer la crise. Lorsqu’on est amoureux de la nature, on ne se satisfait jamais de regarder des images défiler comme au cinéma.
Au bout de 24h, le train s’immobilisa à la station de Kalgoorie. Il faisait nuit. Une nuit noire sans nuage et sans lune. Nous sommes descendus et avons regardé le train disparaître dans la noirceur du désert.  Nous y étions, perdus au milieu de nul part. Le début de la deuxième étape de cette aventure nomade. 

Lorsque les palpitations sont trop intenses, il est recommandé de prendre une longue et profonde bouffé d’air frais du désert. Avez-vous déjà goutés à la liberté?