mercredi 2 février 2011

Hauteur et Chaleur


La population des îles compte sa part de personnes d’origine indienne. A notre grand bonheur, on y sert des currys et des spécialités du sous-continent qui nous donnent le feu à la bouche et le feu aux… autres endroits. Par chance, la variété de la cuisine indienne vient ravauder celle de la cuisine Fidjienne qui est plutôt limitée. Hors des grands hôtels de marbre, la vraie population s’en tient au Coca-Cola, au pain blanc et autres déchets culinaires. Les nouilles instantanées sont présentées comme une gastronomie fine, remède de tous les maux. Pourtant, la jungle foisonne de bons fruits et l’océan abonde en poissons de toutes les espèces. Mystère à résoudre…

Notre périple était entamé depuis quelques jours. Nous tentions de nous remettre dans une routine de routards, dans un mode, inconfortable-mais-j’m’en-fou. Nous étions cependant demeurés sur l’idée que la vie sur deux roues était facile. A la fin de notre dernier périple c’est ce qu’il nous semblait. Nous pouvions retrouver en moins de 5 secondes la moindre pièce de notre équipement. Il fallait au moins 100 km avant que nos fesses n’aiment plus nos bancs de vélo. Nous pouvions résoudre le moindre bruit suspect sur la mécanique en deux ou trois mouvements. Après un an, c’était comme si nous étions des apprentis. Il fallait alors vider les dix sacs pour trouver le savon ou le coupe-ongle. Pendant trois jours, nous avons pensé avoir perdu le brûleur qui nous sert pour cuisiner notre nourriture. Un cerveau affecté par le kava l’avait finalement à la mauvaise place. Nous avions mal au corps après seulement une heure de route. Ouf!

Notre départ ressembla beaucoup à celui de la Thaïlande en 2008. Un peu parce que nous étions malhabiles avec nos vélos chargés. Beaucoup parce que nous étions sur-motivés par les possibilités du terrain et de notre moyen de transport. À chaque embranchement, une possibilité de sortir de la route principale et de créer une nouvelle aventure. Nous avons résisté aux premières tentations, mais nous avons fini par céder. Une petite route qui se dirigeait vers le centre de l’Ile. Un chemin peu sûr de lui qui donnait possiblement accès à un village perdu qui se nomme Abaca. Enfin, utiliser le mot « accès » serait de l’abus de langage. Dès les premiers kilomètres dans la nature sauvage, nous avons été bloqués par deux rivières qui inondaient la route. Sans trop connaître la profondeur de l’obstacle, nous nous sommes lancés. L’aventurier en nous refaisait surface. Nous étions devenus des chasseurs de crocodiles sur un territoire inconnu. Nous commencions à se rappeler pourquoi nous faisions ce genre de voyage. Pour l’adrénaline. Pour le frisson de se balader dans la jungle, loin de toute vie humaine, loin de tout secours possible.

Le second obstacle qui nous attendit ne fût pas de moindre taille. Une colline de 600 mètres s’élevait devant nous. Sous un soleil de plomb, nous avons entrepris longue montée. Quelques fois sur nos montures et souvent à leurs côtés à pousser la lourde charge, nous souffrions de plus en plus du manque d’eau et de la chaleur intense. Assez pour me faire voir du noir. Assez pour que mes genoux fléchissent. Lorsque nous ralentissions la cadence, tous les moustiques de la forêt tropicale venaient prendre une bonne gorgée de notre sang. C’en était trop pour moi. Nous avons monté la tente et j’ai dormi. Là, au milieu du chemin, comme si j’allais hiberner à 400 C. Plus loin, nous avons trouvé une rivière qui nous redonna un peu de vigueur. Et nous avons enfin pu rejoindre Abaca!

Le petit village est situé à la base d’une montagne impressionnante qui est la deuxième plus élevé de Fidji. Son ascension de 1100 mètres permet de découvrir une diversité végétale ahurissante. Un étroit chemin serpente sur le flanc de la cime et nous fait traverser cascades et torrents. Assoiffés, nous avons bu directement de la rivière. Ça donne un drôle de feeling. De tels endroits ce font de plus en plus rares sur la planète. Oui, nous avions mis beaucoup d’énergie pour s’y rendre, mais l’appel de la nature était plus fort que nous. Nous y étions.


De retour dans la civilisation, nous avons parlé aux gens de notre visite à Abaca. Dans une mauvaise compréhension de la langue, certains croyaient que nous avions l’intention de s’y rendre; que notre séjour dans les montagnes se situait dans le futur et non dans le passé. Ainsi, ils ont tentés de nous résonner : il est IMPOSSIBLE de s’y rendre pendant la saison des pluies. Encore moins en vélo! Cela me rappela un vieux proverbe; « Ils ne savaient pas que c’étaient impossible, alors ils l’ont fait ».  


Nous avons ensuite roulés les 150 km qui nous séparait de Voli Voli; un site de plongée sous-marine reconnu internationalement. Nous accumulions les kilomètres et les coups de chaleurs. La canicule était d’une intensité absurde. Le trajet n’avait rien de facile. Oui, nous voulions visiter Fidji à vélo, mais nous voulions aussi découvrir ses fonds marins qui sont, semble-t-il, d’une beauté inégalée. Nous étions en voie d’obtenir notre passeport pour le monde marin. Oh oui! Le terrain de jeux serait encore plus grand.

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