vendredi 8 août 2008

Berri-Uqam 20h30

Sur le quai de débarquement, nous nous trouvons à l’écart du flot en train de resserrer les derniers écrous qui font tenir nos vélos en un morceau. Improviser un atelier de mécanique à l’improviste me fera toujours sourire; pas besoin de rendez-vous au garage et le seul outil nécessaire ne tient que dans le creux de ma main. Pendant que je fais les derniers ajustements, Geneviève réparti les bagages dans les 2 nouvelles sacoches de vélo.
- 1 tente
- 2 sacs de couchage
- 2 matelas de sol
- 2 imperméables
- des sous-vêtements
On voyage léger. C’est tout.

Le soleil est couché depuis quelques minutes et la ville vibre maintenant au rythme de la nuit. Le départ est imminent. Je sens l’excitation dans l’air.
- Es-tu crinké?
- Ohh ooouuiii !
Le regard de Geneviève en dit long : « Quittons vite cette jungle! » Je réalise alors la chance que j’ai d’être accompagné d’une personne aussi intense et aventurière. Je suis fière de toi Ge ;)

Les premiers kilomètres sont applaudis par les klaxons et les sonnettes de la ville. L’air est humide, mais nous sommes bien. Comme dirait Cayouche, « on n’est pas chez nous mais on est ben ». Puis, nous roulons vers l’Est, sans trop de chemin précis, l’air devient plus frais et la lumière se tamise. Mais détrompez-vous, nous étions bien loin du décor romantique escompté. À mesure que mes yeux s’habituent à la noirceur, je découvre l’endroit : Montréal-Est, le royaume du métal rouillé! Sur ce territoire industriel, il n’y a pas de trace de vie. Lorsqu’un jour la Terre se videra de ses humains, c’est comme ca que j’imagine le paysage. Des réservoirs d’essence, des barils d’huiles et des centaines de grues tous harmonisés dans des teintes qui varient du rouille pâle au rouille foncé.

L’absence de trafic en ce territoire nous permet d’échanger pour vrai depuis le départ.
- Semaine de fou !
- Toi aussi ?
- Ouais, même que …
- Est-ce que je t’avais dit que …
- Et là, le gars m’a dit …
- Donc je suis allé …
- …
- …
Et cette conversation se termine lorsque nous réalisons qu’il n’y a plus d’usines autour de nous, que nous sommes en terres de banlieusards et que nous avons vraisemblablement perdu le Nord (ou plutôt l’Est). Arrivé à un ‘T’, ni la gauche ni la droite ne nous inspire. 10 secondes pour y penser et…
- ETES-VOUS PERDU ?!?!
C’était la voie d’un homme en robe de chambre qui nous interpellait du 3e balcon. Le rôle de cet individu dans la vie est de diriger les vélos perdus à 23h30 dans un quartier sans lumière. Du moins, c’est la seule explication que j’ai pu imaginer. « C’est par là » en nous pointant la droite. Nous roulons donc en direction de Repentigny, traversant une série d’échangeurs d’autoroutes plus ou moins réglementaires pour les cyclistes. Quand Geneviève m’a fait remarquer l’illégalité de la situation, nous avons jugé bon d’en rire un bon coup.

Un pont, deux ponts, je ne me souviens pas… mais je me souviens de ce sentiment de liberté lorsque nous avons quitté l’île. Devant, des lumières au loin, derrière, une quarantaine de km nous séparent du point de départ. Pas un bruit, sauf un : celui du vent dans mes oreilles. L’air est bon « et j’espère ne jamais arriver » -J. Leloup.

Bienvenue à Repentigny dit l’affiche pendant que je fredonne les deux mêmes lignes en boucle :
« Bienvenue à Repentigny-by-the-see / On va s’saouler en tabarly »
Lieu de naissance des Cowboys Fringuants et d’environ 75 000 autres personnages, Repentigny nous en met plein la vue avec son fameux Motel Capri. Une façade chromée qui lui voudrait surement un 3 étoiles à Fort Lauderdale. Trêve de plaisanteries, le centre-ville de Repentigny nous semble bien sympathique la nuit. Petites rues de pavés qui, d’un côté, hébergent d’agréables cafés et, de l’autre, offre une vue magnifique sur le fleuve! Ce n’est pas l’envi qui manque, mais nous nous sommes résolus à ne pas piquer notre tente directement au centre-ville. C’était mieux ainsi nous avons convenu J

Nous traversons donc la ville en profitant de chaque instant. Tantôt une voie porte les échos d’un festival sous un chapiteau, tantôt l’effluve d’une boulangerie nous rappel que le déjeuné est notre repas préféré à Geneviève et moi. « Demain on revient ! » Et, tranquillement, comme cela, nous passons des rues. Et encore des rues. Et nous passons cette rue. Celle que j’ai bien remarquée : le cul-de-sac sombre sur notre droite. Un chemin vers nulle part. Pendant que j’y pensais, Geneviève me rattrape pour me dire qu’elle a peut-être aperçu une place trippante pour passer la nuit. « T’as vu la petite rue à droite? »

Le cul sombre du sac débouche sur une séduisante pointe de terre qui s’avance dans le fleuve. Juste assez large pour y jeter notre abri. Immense coucher de lune, ciel étoilé à souhait, brise de la mer.
- C’est la couronne qui vous l’offre mademoiselle
- zzz zzzz zzz
- Geneviève ?!

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