mardi 8 mars 2011

Voyage sur les Plaines

Pour ce qui est du travail devant un ordinateur, on suggère que l’usager prenne quelques minutes de repos à chaque heure de travail. C’est mieux pour reposer les yeux. J’ai une nouvelle théorie. Pour ce qui est du travail en général, je suggèrerais que l’homme prenne quelques mois de vacances à chaque année. Pas pour faire n’importe quoi; pour faire de l’exercice à temps plein. C’est mieux pour le corps. C’est maintenant prouvé. Tous les petits maux qui me gênaient avant le départ sont maintenant disparus à force de bouger et de limiter le stress au maximum. On cherche des sujets pour compléter notre expérimentation. En attendant, nous vivrons le prochain dans la nature. Nos cristallins pourront se détendre un peu. Les paysages seront à perte de vue semble-t-il.

La première journée de vélo en Australie incluait deux imposants défis : sortir de la capitale et escalader le dénivelé total des Montagnes Bleues. Le premier est un défi pour le cerveau, le second, un défi pour les cuisses. Il fallait être polyvalent pour en sortir gagnant. Nous étions désormais habitués à la conduite à gauche et il n’y avait plus qu’à suivre les indications (notées approximativement à minuit la veille). Nous sommes sortis de la ville sans embuches, sans histoires. Les montagnes n’allaient pas être aussi faciles.

Les Montagnes Bleues forment un massif qui couvre le Sud-Est de l’Australie. Elles s’élèvent et forment un demi-cercle autour de la capitale comme le Bouclier Canadien autour de Québec.Très bien. Un peu de vélo en altitude ne pourrait nous faire de tort. Nous sommes partis sans trop savoir à quoi s’attendre. Dès les premiers mètres de l’ascension, plusieurs cyclistes nous dépassèrent comme si nous étions arrêtés. L’autoroute qui grimpait sur un dénivelé de 1000m servait de piste d’entraînement pour les cyclistes australiens. Il s’agissait des derniers vélos que nous avons croisés pour les milliers de kilomètres qui suivront.
Le réseau de transport australien est très différent de tout ce que nous avons connu auparavant. Les vélos circulent librement sur les autoroutes les plus importantes du pays. Malgré les voitures qui circulent à 120 km/h, on y retrouve une piste cyclable qui occupe une partie de l’accotement. Un peu effrayant au départ, mais on finit par s’y faire. A chaque engin qu’on entend s’approcher, on prie pour que le conducteur ne soit pas endormi derrière le volant. Une distraction, quelques mètres à gauche et nous serions morts. Le cerveau focus sur le danger et non sur la douleur de la grimpe. On appelle cela changer le mal de place…

Nous y étions presque. Le sommet était devant nous et Geneviève fût frappée par un malaise. Un semblant de déjà vu; le dîner ne passait pas. Nous avons donc fait quelques pauses santé afin de purger le méchant. Je ne sais pas comment, mais elle compléta quand même l’ascension. Bravo!
En effet, il s’agissait de notre première expérience de cyclotourisme dans un pays où le coût de la vie est aussi élevé. Nous ne savions donc pas où nous allions pouvoir passer nos nuits entre les journées de vélo. L’hôtel n’était plus une option. On nous a avertis qu’on ne pourrait probablement pas profiter de l’hospitalité des gens sur la route non plus. Il fallait une solution. La voici : les caravan parks. Nous passer maintenant nos nuits entre deux gros campeurs habités par des monnoncles et des matantes venus boire de la bière autour de BBQ géants. Ce n’était pas notre tasse de thé, mais nous avons vite compris que c’était la seule façon d’avoir accès à une douche et une table à piquenique. Pour 20$, nous avons généralement accès à une piscine et une cuisine tout équipée pour cuisiner. Pas le paradis… mais presque. Chaque soir, nous discutons avec nos amis les caravaniers. Nous leur expliquons notre trajet, notre vision du voyage. Les gens semblent apprécier nos histoires, car ils nous gratifient généralement avec quelques bières. Youpi! Un soir, nous avons fait la connaissance d’un couple venu de Grande-Bretagne qui nous a pris en pitié. En voyant les tristes pâtes aux tomates qui composaient notre souper, ils se sont chargés de nous cuisiner de bons légumes! En général, les gens que nous rencontrons sont très sympathiques et très relax. C’est probablement une raison pourquoi les voyageurs aiment l’Australie. Les gens qu’on rencontre semblent tous être en vacances. Chaque discussion se termine par un no worrie –pas de soucis– lancé avec nonchalance.

Le 17 février arriva et Geneviève fêta ses 26 ans. Nous avons profité de cette occasion pour prendre un repos dans les montagnes et cuisiner un gros BBQ. Nous étions alors dans un village qui offrait une vue magnifiques sur les three sisters, une formation rocheuse qui rappelle les paysages de l’Ouest américain. Nous avons alors fait une longue balade au bord d’un énorme précipice, traversant torrents et ruisseaux. Le soleil était de la partie. Pas un nuage dans le ciel. Une journée d’anniversaire parfaite! Nous étions seulement deux, mais Geneviève fût extrêmement contente de lire tous les messages de « bonne fête » envoyés par ses nombreux amis. Vous auriez dû la voir pédaler après avoir reçu toute cette énergie!

Nous avions traversé les montagnes et avancions lentement mais surement vers les High Plains, un plateau aussi plat et étendu que les prairies canadienne. En général, le voyageur qui s’apprête à traverser les prairies est au courant de ce qui l’attend : un paysage grandiose et répétitif. Nous n’avions aucune idée de ce qui nous attendait en traversant le Sud-Est de l’Australie. Des milliers de kilomètres carrés de plaines arides s’enchaînent à perte de vue. Les arbres les plus grands ne dépassent pas 30 cm. Après quelques centaines de kilomètres à rouler sur une ligne droite au travers ces plaines, un sentiment étrange apparaît. On ressent le danger d’être pris là, au milieu de nulle part. Un réflexe qui protège l’humain contre toute tentative de s’enfoncer trop loin hors de la civilisation. Sur nos vélos, ce sentiment de danger se transforma en adrénaline et la cadence augmentait sans trop s’en rendre compte.

Malgré le paysage dramatiquementdésertique, nous avons passé quelques oasis où poussaient des arbres à fruits. Il suffisait d’être attentif pour y trouver des pommes, des oranges, des pêches, des figues, des raisins et des poires qui poussent à l’état sauvage. Je me souviendrai toujours de cette pause sous cet arbre où des centaines de pêches poussaient. C’est gratuit et à volonté. Combien pouvez-vous en manger après 100 km de vélo? Impossible de tenir le compte!

C’est aussi en traversant ces plaines que nous avons reçu un avertissement venant de la météo. Pour que la traversée soit agréable, il fallait absolument avoir un vent de dos. Un vent de face nous retenait à 12 km/h toute la journée, même en y investissant l’énergie du désespoir. Le vent était plus fort que nous. Il fallait que notre itinéraire tienne compte de ce facteur.

Lorsque, tout heureux, nous traversions de petites agglomérations de quelques centaines d’habitants, c’était pour y découvrir des villages semi-abandonnés. La rue principale était généralement déserte et on y rencontrait des cowboys aux allures typiques des films de Clint Eastwood. Lorsque nous avons passé dans le village de Grenfell, un homme s’approcha de moi. Je crû pour un instant qu’il voulait me lancer un duel. Pendant que je cherchais mon Remington dans mes bagages, celui-ci mon fît comprendre qu’il était le journaliste de la municipalité. Il voulait nous interviewer pour le journal local. Nous avons donc répondu aux questions que nous avons pu comprendre. Un cowboy est un cowboy. En Australie ou au Texas, tout cowboy qui se respecte se doit d’utiliser une prononciation approximative et une sonorité nasale. De la musique pour nos oreilles!

De retour dans les plaines, nous étions complétement stupéfaits de rouler sur un étendu aussi démuni de toute vie. Heureusement, il y avait toujours un petit village tous les 100km pour nous aider à conserver notre motivation. Par contre, il y avait une erreur sur notre carte. Un village indiqué sur papier n’existait plus dans la réalité. Un détail qui fît en sorte que nous manquâmes d’eau. Aucun signe de vie sur des dizaines de kilomètres et nous avons trouvé cette petite maison cachée derrière quelques arbustes etquelques voitures abandonnées. Les chiens alertèrent le propriétaire qui s’avança d’un pas lent. L’homme n’était visiblement pas un enfant de cœur. Pour un instant, nous avons regretté d’avoir arrêté dans cet endroit.
A suivre…



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